Le temps s'écoulait.
J'avais été recruté au sein d'une importante administration financière où le travail était abondant, me conduisant parfois à veiller la nuit pour sécuriser les lieux.
Il m'arrivait fréquemment de devoir me rendre à la chaufferie située dans la cave du bâtiment.
Lors de ces descentes, une peur intense m'envahissait; c'était plutôt inquiétant et effrayant, conscient qu'une présence très sombre hantait cet endroit, sensation que je n'étais pas le seul à éprouver.
Parfois, j'apercevais des femmes habillées à la manière de 1900, arborant de volumineuses robes et des chapeaux typiques de cette époque, comme si elles étaient figées dans notre temps.
Un jour, ma cousine me suggéra : "Ça te dirait, cousin, de rencontrer mon amie Chantal ? Son mari est gendarme et elle-même est une médium extrêmement talentueuse.", j'ai acquiescé.
Ainsi, un samedi après-midi, nous lui rendîmes visite et la médium se focalisa sur moi. Elle s'écria : "Waouh ! Comme il est beau l'homme qui se tient derrière toi ! Il est grand, vêtu d'une sorte de cape, tel un templier, avec ses mains posées sur tes épaules. Cet homme est d'une grande beauté."
J'étais sceptique, car même en tant que médium à cette époque, le sujet ne m'intéressait pas particulièrement. Je lui ai demandé : "Pourquoi ne puis-je pas le voir ? Et qui est cet homme ?" Elle m'a répondu : "Ce n'est pas encore le moment. Un jour viendra."
Je me suis dit que je n'en saurais pas plus et j'ai continué à vivre ma vie.
Durant cette phase de ma vie, je n'avais qu'un seul critère de recherche, étant exclusivement attirée par un type d'homme précis : grand, blond avec des yeux bleus, idéalement militaire. Cependant, mes perspectives de rencontrer l'homme parfait étaient réduites, car mon épilepsie tendait à éloigner les gens, et par-dessus tout, je m'interdisais toute relation physique sans un amour véritable et inconditionnel.
C'est la raison pour laquelle je fréquentais souvent la discothèque Valkyrie à Pau après le travail. Avec le temps, je me suis habitué à y aller chaque samedi soir, séduit par un videur qui correspondait à mes attentes physiques, mais intellectuellement, c'était différent.
Un jour, j'ai répondu à une annonce de rencontre, un homme résidant dans le Var avec qui j'échangeais régulièrement. Une relation s'est développée et un jour, il m'a annoncé : je viens te voir.
Pris de panique, je lui ai fait croire que j'avais rencontré un militaire et je lui ai déclaré que notre relation était terminée.
Je suis conscient que cela a dû lui causer beaucoup de peine, mais un jour, je lui ai révélé la vérité par téléphone. Il ignorait mon épilepsie et expliqué les raisons de notre séparation. Il m'a écouté, parfaitement compris et pardonné.
Mais à ce moment-là, je me suis dit qu'il fallait vraiment que j'arrête de chercher et que je laisse le destin agir pour moi.
Je fréquentais régulièrement les bars, notamment le Valkyrie, avec des amis. Cependant, je me sentais de plus en plus mal à l'aise en découvrant qu'ils organisaient des soirées sans m'inviter. Je me sentais exclu, surtout quand ils me présentaient aux autres non pas par mon prénom, mais comme "le gay", alors que mon apparence ne reflétait pas mes pratiques. Je gardais le silence, acceptant naïvement la situation.
C'est moi qui payais leur entrée en boîte de nuit et qui réglais les bouteilles. Lorsqu'une amie se sentait déprimée, je lui offrais des parfums de luxe et faisais ses courses, étant donné que j'étais le seul à travailler et à bien gagner ma vie. Un jour, je leur ai annoncé : "Je serai dans la musique et vous entendrez parler de moi." Ils ont fait semblant de me croire, puis m'ont rappelé en disant : "Viens, on a quelque chose à célébrer, apporte du champagne."
J'ai apporté la bouteille, ils se sont tous servis un verre et je fus le seul qu'ils n'ont pas servi. Faisant semblant de rien, je leur ai demandé : "Quel événement fêtons nous ?". Ils m'ont répondu : "Nous buvons à la fin de notre amitié."
J'ai contenu mes émotions de choc et suis parti en pleurs dans ma voiture.
Je me suis traité de stupide, pensant que je ne servais à rien, que je ne valais rien. Le soir, dans ma chambre, je pleurais, c'était insupportable, surtout avec l'épilepsie, de ne plaire à personne., d'être abusé. J'ai pris les ciseaux du tiroir de mon bureau, me suis mit sur le lit et les ai enfoncé sur une de mes veines du poignet gauche, car pour moi la vie était devenu inutile.
Je ne sais pas ce qui s'est produit durant ces deux minutes, mais tout à coup, une vive lumière a envahi ma chambre. Un homme grand et fort, aux cheveux blonds roux et arborant une barbe de quelques jours, en a émergé. Je me suis retrouvé à genoux sur le sol.
Il était vêtu d'épaulettes dorées et d'un type de short ceinturé d'or. Il s'est agenouillé devant moi, m'a aidé à me relever, a inspecté mon poignet et m'a serré si fort que je pouvais percevoir chaque aspect de lui - sa présence, son parfum. Puis, il a placé ses mains sur mes joues et a prononcé :
"Ne t'inquiète pas, Jean-Michel, je suis là maintenant, n'aie plus peur !" et m'embrasse sur le front et me serre encore dans ses bras.
Le matin, je me suis réveillé dans mon lit, croyant avoir rêvé, mais j'ai trouvé une cicatrice sur mon poignet et des ciseaux couverts de sang dans mon tiroir.
Des interrogations ont surgi, particulièrement après que ma sœur s'est plainte à nos parents d'avoir mal dormi à cause de la lumière dans ma chambre, bien que je n'aie allumé aucune lampe.
Qui était cet homme d'une grande beauté ? Un ange peut-être ?
